Fondation d’entreprise Ricard

La consistance du visible

10 Oct - 22 Nov 2008

vue de l'exposition "La consistance du visible"
photo : Marc Domage
LA CONSISTANCE DU VISIBLE
Une proposition de Nicolas Bourriaud

Du 10 octobre au 22 novembre 2008

Avec Julien Discrit, Cyprien Gaillard, Camille Henrot, Emmanuelle Lainé, Gyan Panchal, Abraham Poincheval et Laurent Tixador, Lili Reynaud-Dewar et Raphaël Zarka

Nicolas Bourriaud, choisi comme commissaire pour la 10ème édition du Prix de la Fondation d'entreprise Ricard, a voulu pour cet anniversaire compléter le dispositif habituel de l'exposition -présentation d'artistes émergents issus de la jeune scène française- par un « préambule critique » réunissant des artistes « historiques » ou confirmés.
Parmi les jeunes artistes sélectionnés pour le prix, figurent Julien Discrit, Cyprien Gaillard, Camille Henrot, Emmanuelle Lainé, Gyan Panchal, Abraham Poincheval et Laurent Tixador, Lili Reynaud-Dewar, Raphaël Zarka.
Le10ème Prix de la Fondation sera remis à l'un de ces artistes lors du Bal Jaune le 24 octobre.
Cette exposition présente également en « préambule » une réunion de « fétiches », des ?uvres de Martin Barré, Daniel Buren, Erik Dietman, Alain Jacquet, Pierre Joseph, Raymond Hains, Bertrand Lavier, Édouard Levé, Roman Opalka et Agnès Varda. A travers cette exposition, Nicolas Bourriaud souhaite aussi rendre hommage « à deux acteurs clé de l'art français » Pierre Restany et Bernard Lamarche-Vadel qui, selon lui, malgré « des trajectoires dissemblables appartenant à deux générations différentes sont réunis par une même indépendance d'esprit et un similaire engagement auprès de la scène française ».
Nicolas Bourriaud s'est d'ailleurs inspiré de la formule de Bernard Lamarche-Vadel qui donne son titre à l'exposition : « Ainsi ce que nous considérons dans le visible, l'oeuvre d'art, doit être avant tout la consistance d'un doute extrême sur la consistance du visible ».
« Pour ce dixième anniversaire du Prix Ricard, il m'a semblé important de compléter le dispositif habituel de l'exposition (une présentation thématisée d'artistes émergents issus de la scène artistique française) par un préambule critique réunissant des artistes « historiques » ou confirmés. Cette réunion pose une question très simple : qu'est-ce qui délimite une oeuvre ? Par quel geste inaugure-t-elle son territoire, met-elle en scène ses limites, trace-t-elle son périmètre d'exploration ?
C'est en pensant au concept de « bricolage » par lequel Lévi-Strauss définit la pensée mythologique que j'ai pensé à présenter ce récit subjectif sous forme d'une réunion de fétiches, c'est-à-dire d'objets qui, malgré leur apparence de détails, désignent une pensée complexe qui s'y trouve contenue tout entière. Tel un hologramme.
Cette question, celle du « plan de composition » d'une oeuvre, n'est toutefois ni innocente, ni gratuite, ni sans répercussions sur le choix de « jeunes artistes » qui la prolonge.
D'une part, elle souligne l'importance du geste inaugural ; de la nécessité, pour faire oeuvre, de constituer un territoire et de définir une manière spécifique de l'arpenter. Tant d'artistes se contentent aujourd'hui de produire des objets à partir d'une vague « thématique », le plus souvent empruntée au vadémécum idéologique contemporain, qu'il est salutaire de rappeler qu'une oeuvre s'apparente à une expédition davantage qu'à un tour du quartier des galeries.
D'autre part, cette question pointe un étonnant point commun, sans doute le seul, entre deux acteurs-clé de l'art français auxquels cette exposition voudrait rendre hommage : Pierre Restany et Bernard Lamarche-Vadel. Ils furent, pour le jeune critique que j'aspirais à être au tournant des années 1990, deux maîtres en singularité. Entre « l'humanisme technologique » de l'un, tourné vers la production sociale et la totalisation du visible, et l'arisocratisme subtil de l'autre, porté sur les singularités et l'indicible, nous nous trouvons en présence de deux trajectoires dissemblables appartenant à deux générations différentes, mais réunis par une même indépendance d'esprit et un similaire engagement auprès de la scène française.
Restany célébra en 1960 « l'autonomie expressive du réel » en lançant le mouvement des Nouveaux Réalistes, qui insistait sur le geste radical de « l'appropriation directe », fondateur de toute pratique artistique (« manifestation automatique de la sensibilité ») plongée dans la nouvelle « nature urbaine ». Vingt-six ans plus tard, Lamarche-Vadel regroupait les onze artistes de son exposition « Qu'est-ce que l'art Français » en fonction de la pertinence de leur « posture » ou de leurs « processus », c'est-à-dire de l'invention de « moyens de mettre en procès (leur) existence dans le cours de l'élaboration de l'oeuvre ». À première vue dissemblables, ces deux propos constituent à mes yeux deux niveaux d'une même exigence conceptuelle.
Les neuf artistes que j'ai réunis pour cette dixième édition du Prix Ricard répondent à cette double interrogation, étayant leur travail à la fois sur la sensibilité collective et sur un plan de composition personnel, surfant sur les ondes émises par le social mais s'en dissociant par un « point de départ » singulier. Ils ou elles peuvent souscrire à la formule de Bernard Lamarche-Vadel qui donne son titre à l'exposition : « Ainsi ce que nous considérons dans le visible, l'oeuvre d'art, doit être avant tout la consistance d'un doute extrême sur la consistance du visible. »
Nicolas Bourriaud
 

Tags: Martin Barré, Daniel Buren, Lili Reynaud-Dewar, Erik Dietman, Cyprien Gaillard, Raymond Hains, Camille Henrot, Li Hui, Pierre Joseph, Emmanuelle Lainé, Bertrand Lavier, Roman Opalka, Gyan Panchal, Laurent Tixador, Agnes Varda, Raphaël Zarka